L'évolution urbaine de Basse-Terre au fil des siècles

La ville de Basse-Terre se caractérise d’abord par son site naturel, son identité forgée au cours des siècles de la rencontre des mondes et du processus de créolisation et enfin, par son évolution. Celle-ci a été dominée par la présence française, l’économie de plantation, les rivalités franco-britanniques et les catastrophes naturelles qui ont jalonné son histoire de siècle en siècle.

Dès le XVIe siècle, les navigateurs font escale sur la côte caraïbe et s’approvisionnent en eau douce dans les rivières. La toponymie des lieux-dits évoque encore la mémoire des galions espagnols et les échanges établis alors entre Caraïbes et Européens.

Au XVIIe siècle, Basse-Terre naît sur la rive droite du Galion, adossée au donjon construit par le gouverneur Charles Houël en 1650. Les carmes assurent la gestion de la paroisse Notre-Dame du Mont-Carmel et les jésuites, l’évangélisation des Noirs. En 1654, les Hollandais chassés du Brésil, impulsent la culture et la transformation de la canne à sucre. En 1688, Le bourg de la Basse-Terre, actuel quartier du Carmel, s’organise autour d’une place d’armes, trois églises, 2 couvents, un hôpital et une maison du gouverneur. Cependant, incendies et attaques anglaises incitent les habitants à franchir la rivière aux Herbes au nord duquel sont installés les capucins depuis 1673.
   
Au XVIIIe, ces derniers desservent la paroisse Saint-François fondée en 1713. L’essor de l’industrie sucrière basée sur la traite négrière et l’esclavage, associé à l’activité corsaire, entraînent le développement de la ville qui s’urbanise grâce aux efforts des gouverneurs. Ainsi en 1749, de Clieu (1737-1752) et de Bury tracent le plan octogonal du quartier de Saint-François. Cependant, les affrontements entre Français et Anglais aboutissent au siège de la Guadeloupe de 1759 à 1763. Nolivos (1765-1769) succède à Bourlamaque (1763-1764) et mène d’importants travaux d’urbanisme et renforce les installations militaires avec la construction de l’Arsenal et de l’hôpital militaire. Il crée la promenade où les négociants bâtissent des hôtels particuliers. D’Arbaud (1775-1782) ouvre le Champ de Mars, agrandit le fort et poursuit la réalisation de la « Nouvelle ville ». En 1784, de Clugny (1784-1792) réaménage le réseau d’adduction d’eau et construit des ponts. Sous la Révolution, Victor Hugues, commissaire de la Convention en 1794, chasse les Anglais et met fin à l’Ancien Régime. Il développe en outre l’activité corsaire en Guadeloupe et permet un regain de prospérité à la ville.
   
Au XIXe siècle, surviennent d’importantes mutations. Ainsi en 1802, la guerre de Guadeloupe oppose le colonel Louis Delgrès au général Richepance. L’esclavage est rétabli, puis aboli par le décret du 27 avril 1848. Les nouveaux libres affluent et s’installent sur les mornes où se développe un habitat populaire qui se caractérise par la vie communautaire organisée autour des « lakous ». Mais, Basse-Terre, supplantée par Pointe-à-Pitre au plan économique, subit aussi les affres des catastrophes naturelles. Le cyclone de 1825 et l’épidémie de choléra de 1865-1866 freinent son accroissement. Toutefois, dès 1830, certains immeubles comme la prison et les magasins du roi sont rebâtis et en 1889, la ville se dote d’un hôtel de ville de style néo-classique.

Au XXe siècle, Basse-Terre s’engage dans la modernité. En effet, après l’incendie de 1905 et le cyclone de 1928, Ali Tur, architecte des colonies, reconstruit en béton armé, les bâtiments publics selon un programme exigeant rapidité et faible coût. A Basse-Terre, ses œuvres majeures datées, les palais de Justice, du Conseil général, et d’Orléans, expriment la puissance coloniale célébrée lors du Tricentenaire de la présence française en Guadeloupe en 1935. Parallèlement, la relance économique due à l’industrie de la banane permet la construction du port. Mais l’éruption de la Soufrière en 1976 interrompt cette dynamique reprise dans les années 90. Les programmes conduits par les architectes guadeloupéens, Jean-Michel Corbin (hôtel de Région) et Alain Nicolas (scène nationale) renouvellent ainsi les formes architecturales urbaines.

A l’aube du XXIe siècle, cette dynamique se poursuit dans le cadre de la rénovation urbaine de Basse-Terre. Les architectes Pascal Berthelot et Mocka-Célestine ont restructuré le littoral où le marché central, inauguré en 2001, s’impose déjà comme une œuvre majeure. D’autres travaux entrepris dans le cadre de l’ANRU et du PLU ont réhabilité un bâti dégradé ou insalubre, requalifié les zones d’habitat et d’activités économiques, impulsant une nouvelle dynamique dans tous les quartiers de la ville.